Cyrano de Bergerac, États et Empires de la Lune, 1657 - Extrait

Modifié par Lucieniobey

Le roman comique de Cyrano de Bergerac, États et Empires de la Lune, raconte les aventures d'un voyageur qui se rend sur la Lune. Le premier essai permet au personnage, le narrateur, de s'élever dans le ciel mais il n'atteint pas la Lune et retombe, non pas à son point de départ mais en Nouvelle-France, car la Terre a tourné. Il rencontre alors le vice-roi avec lequel il s'entretient. Au cours de leur échange, le narrateur défend l'héliocentrisme ainsi que l'existence d'un univers infini, ce qui s'oppose à la représentation du monde de l'époque et en particulier à celle dictée par l'église.

« Premièrement, il est du sens commun de croire que le soleil a pris place au centre de l'univers, puisque tous les corps qui sont dans la nature ont besoin de ce feu radical qui habite au cœur du royaume pour être en état de satisfaire promptement à leurs nécessités et que la cause des générations soit placée également entre les corps, où elle agit, de même que la sage nature a placé les parties génitales dans l'homme, les pépins dans le centre des pommes, les noyaux au milieu de leur fruit ; et de même que l'oignon conserve à l’abri de cent écorces qui l'environnent le précieux germe où dix millions d'autres ont à puiser leur essence. Car cette pomme est un petit univers à soi-même, dont le pépin plus chaud que les autres parties est le soleil, qui répand autour de soi la chaleur, conservatrice de son globe ; et ce germe, dans cet oignon, est le petit soleil de ce petit monde, qui réchauffe et nourrit le sel végétatif de cette masse. 
Cela donc supposé, je dis que la terre ayant besoin de la lumière, de la chaleur, et de l'influence de ce grand feu, elle se tourne autour de lui pour recevoir également en toutes ses parties cette vertu qui la conserve. Car il serait aussi ridicule de croire que ce grand corps lumineux tournât autour d'un point dont il n'a que faire, que de s'imaginer quand nous voyons une alouette rôtie, qu'on a, pour la cuire, tourné la cheminée à l'entour. Autrement si c’était au soleil à faire cette corvée, il semblerait que la médecine eût besoin du malade ; que le fort dût plier sous le faible, le grand servir au petit ; et qu’au lieu qu’un vaisseau cingle le long des côtes d’une province, on dût promener la province autour du vaisseau. »


Cyrano de Bergerac, États et Empires de la Lune, 1657

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